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30/12/2011

Ungern Khan

Un court texte consacré à Roman Fiodorovitch von Ungern-Sternberg, déniché il y a quelques années sur un site ( n’existant malheureusement plus aujourd’hui ) appelé ( si mes souvenirs sont bons !? ) : « Métempsycoses littéraires : les aventuriers ».

Né le 29 décembre 1895 et exécuté le 15 septembre 1921, Ungern Khan vécut, combattit et mourut pour son rêve. Poète et guerrier… incompris des hommes et abandonné par les dieux.

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UNGERN KHAN

Appelez-moi Ishmael. Il y a quelques années, sans argent ni avenir, l'envie me prit de suivre le rêve d'un homme. Un homme à part… Il se dit descendant d'Attila et cavalier du destin. Il n'aime pas parler, ne boit pas et ne fréquente pas les femmes. Il ne possède rien qu'une jument grise et une paire de bottes et mange et dort comme un Mongol. Cet homme croit en ses rêves et rien ne peut l'arrêter. Blancs et rouges le nomment le Baron Sanguinaire. Tous le craignent à en perdre la parole. Ils ne le comprennent pas. Et le comprendraient-ils que leur peur n'en serait que plus grande...

 

Ungern Khan

Le Baron Ungern ne rêve pas des Romanov ou de Lénine. Gengis Khan et la Horde d'Or donnent à ses songes la couleur du sang. Il rassemblera les nomades des steppes et rétablira la dynastie mandchoue en Chine, puis lancera les peuples d'Asie sur la Russie pour en chasser les bolcheviques, avant de déferler sur l'Europe à la tête de sa cavalerie mystique et de détruire l'Occident mercantile et corrupteur. Les Mongols savent que les balles ne peuvent le tuer et se prennent dans les plis de son manteau. Ungern Khan est le dieu réincarné de la guerre. Et le Dalaï lama le proclame combattant de la foi.

Nous sommes un millier de cavaliers, Cosaques, Mongols, Bouriates, Kirghizes, Russes, Kalmouks, Japonais, Mandchous, Chinois, Tibétains, rangés sous le drapeau jaune frappé d'un U noir. Pris entre la Russie et la Chine, nous n'avons nulle part où aller mais nous sommes beaux, avec nos papakhas noires et nos longs manteaux, d'une beauté barbare et terrible. Ungern se nomme général et nous donne le titre éclatant de division asiatique de cavalerie. Il arbore sa croix de Saint-Georges et ses épaulettes sur le manteau couleur cerise des princes mongols. A son ceinturon pendent un Mauser et un chapelet bouddhiste. Un aventurier vénitien l'entend crier : « En avant ! A la recherche de nos folies et de nos gloires ! »

 

Les loups des steppes

Et la division de cavalerie asiatique surgit devant Ourga, le Grand Monastère, la capitale des Mongols. Une nuit, le Bogdo-Geghen, huitième réincarnation du grand juste Daranata Djibdsun Dambi Khutukhtu, est enlevé au nez et à la barbe de ses geôliers chinois. Si grande est la magie d'Ungern qu'il s'empare, au troisième assaut, de la ville. Le rêve s'abat sur Ourga. Le pillage dure trois jours et trois nuits. Nous massacrons les Chinois et les Juifs, les Russes aussi, blancs ou rouges. Nous jetons leurs têtes aux pieds du baron et laissons leurs cadavres aux chiens. Les marchands, nous les brûlons vifs.

Rétabli sur son trône, entre ses collections de phonographes, ses animaux empaillés et ses réserves de champagne, le Bouddha aveugle récompense notre général en lui accordant le titre de Khan et la dignité de grand Bator. Le baron épouse une princesse mongole, s'entoure de lamas et de chamans ; et d'un Arlequin polonais qui, parti de Sibérie à pied, veut aller au Tibet pour y chercher le Roi du monde. Les officiers se perchent sur les toits d'Ourga comme des vols de colombes. Ungern Khan les punit ainsi en les exposant au froid et à la faim des jours durant.

Les loups de la steppe n'ont jamais été à pareil festin. Dix mille Chinois arrivent avec canons et mitrailleuses. Nous les affrontons à un contre cinq et les tuons avec nos flèches et des balles en verre. Le rêve d'Ungern qui a brisé le joug chinois engloutit toute la Mongolie. On annonce la venue d'un messie. Khas Bator prêche la révolution bouddhique sous l'étendard rouge frappé d'un svastika noir. Les Mongols rouges de Soukhé Bator consacrent leur drapeau dans le sang d'un prisonnier cosaque.

Ungern Khan sait que le temps joue contre lui. Un sorcier bouriate lui a lu l'avenir dans des os de mouton : il ne reste au dieu de la guerre que cent trente jours à vivre.

 

Le cavalier du destin

La division asiatique quitte Ourga et pénètre en Russie. Echappant aux cavaliers de Soukhé Bator et aux avions soviétiques, elle libère le monastère du Khambo lama. Mais l'armée rouge s'empare d'Ourga. Plus personne n'ose plus regarder Ungern Khan dans les yeux. Il parle de traverser le désert de Gobi, d'aller jusqu'au Tibet. Frappés d'épouvante, une nuit, nous tirons sur lui. Des milliers de balles, et aucune ne le touche. Et sa jument grise l'emporte dans les ténèbres.

Qu'est devenu Ungern Khan ? On raconte que les rouges l'ont pris et fusillé. A ses juges le Baron a répondu : « Je n'ai rien à dire. » Mais la mort n'est que le début d'une vie nouvelle et toute la terre russe ne suffirait à retenir l'âme du dieu de la guerre.

Un Russe fou affirme avoir rencontré Ungern dans l'autre monde. Il y accueille les guerriers morts au combat et guide leurs âmes vers le Régiment Spécial des Cosaques du Tibet, qui montent des éléphants blancs. Mafieux et bandits sont eux, louée soit la clémence de Bouddha, réincarnés en bœufs dans une boucherie industrielle. Mais peut-on croire un Russe même fou ? Les Mongols disent qu'Ungern Khan n'est pas mort, qu'il a secoué les balles de son manteau de soie jaune et galope depuis à travers l'infini des steppes. Comment tuer un dieu ou un rêve ? Je n'ai pas oublié Ungern, mon général. Il est toujours vivant devant moi, hérissé et farouche. Sa grandeur est immatérielle comme celle des cieux et des abîmes.


Ishmael B.

Division de cavalerie asiatique

Mongolie intérieure.

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A lire :

 

Jean MABIRE : « Ungern, le Baron fou » ( J’ai Lu )

Vladimir POZNER : « Le Mors au dents » ( Actes Sud )

Léonid Youzéfovitch : « Le Baron Ungern, Khan des steppes » ( Editions des Syrtes )

 

Ferdinand OSSENDOWSKI : « Bêtes, hommes et dieux » ( J’ai Lu )

Hugo PRATT : « Cour des mystères » ( Folio / Denoël )

Ou Hugo PRATT : « Corto Maltese en Sibérie » ( Casterman, pour la version B.D )