10/09/2012
Les grands ducs...
« - Ton client là, Fouquet. Ton espagnol. Douze verres cassés ça t’dis rien ?
- Monsieur. Primo, voila quinze ans que je vous interdis de me parler. deusio, si vous ne vouliez pas qu'il boive, c'est simple, vous n'aviez qu'a pas le servir.
- Alors là monsieur, je vous rétorque que, primo, je l'ai viré. deusio, les ivrognes y'en a assez dans le pays sans que vous les fassiez venir de Paris.
- Un ivrogne ?
- Ah ben oui ! Un peu ! Même le père Bardasse qui boit quatorze pastis par jour n'en revenait pas !
- Ah parce que tu mélanges tout ça, toi ! Mon Espagnol, comme tu dis, et le père Bardasse. Les Grands Ducs et les boit-sans-soif.
- Les grands ducs ?!
- Oui monsieur, les princes de la cuite, les seigneurs, ceux avec qui tu buvais le coup dans le temps et qu'ont toujours fait verre à part. Dis-toi bien que tes clients et toi, ils vous laissent à vos putasseries. Ils sont à cent mille verres de vous ! Eux, ils tutoient les anges !
- Excuse-moi mais nous autres, on est encore capable de tenir le litre sans se prendre pour Dieu le Père.
- Mais c'est bien ce que je vous reproche. Vous avez le vin petit et la cuite mesquine. Dans le fond vous méritez pas de boire. Tu t'demandes pourquoi y picole l'Espagnol ? C'est pour essayer d'oublier des pignoufs comme vous. »
Michel Audiard, Un singe en hiver.
« La mère et la fille, belles et brunes, chacune dans son genre. Regards de braise, taille souple, profil grec, cheveux mousseux sur les tempes et séparés par une raie que je vais qualifier de médiane sans que ça fasse un pli. Habillées de noir, l’une et l’autre, comme des dames de l’île de Sein. Avec des seins comme des îles. Et des lèvres brillantes comme l’huile de ricin. Et des culs si perfectionnés que tu voudrais t’y faire naturaliser sicilien ! Et des jambes que c’est dommage qu’elles portent des jupes si longues tellement on les devine bien complètement parfaites de bas en haut. Et des bouches qui te font penser à des colliers à zob. Et des dents si blanches que tu comprends la fraîcheur consécutive de leur haleine. Et des oreilles que n’importe quel connard à petit tirage d’écrivaillon prétendrait finement ourlées, parfaitement ma chère. Et aussi des épaules douces et rondes que leurs bras s’y accrochent à la perfection. Et des nuques pour le baiser. Et puis putain d’Adèle, des ventres plats, fermes et souples à la fois, pour te servir d’oreiller avant et après l’amour. Et puis encore, des mains de madones kif-kif sur les tableaux de fra machin et de Michel-Ange. La mère et la fille, superbement identiques, se donnant la réplique du miroir à dix huit ans d’intervalle. Bellissimales, les deux. A croquer, que dis-je, à bouffer ! Et comme il faut espère. »
Frédéric Dard.
« Heureusement que Jésus-Christ n'est pas mort dans son lit. Sinon, en Bretagne, il y aurait un sommier en granit à chaque carrefour. »
Jean Yanne.
« Je vis au seuil de moi-même, à l'intérieur il fait sombre. »
Antoine Blondin, Un singe en hiver.
« Ça commence par un petit garçon plutôt blond qui laisse aller ses sentiments. Le visage de Marlène Dietrich, plein de sperme, s'étale devant lui. Sur le magazine grand ouvert, le long des jambes de l'actrice, des filets nacrés s'entrelacent comme la hongroise d'argent sur le calot d'un hussard.
Il se lève et s'approche d'un bureau. Il s'assied. Il ouvre un tiroir. Dans un carnet de blanchisseuse à couverture de molesquine noire, il cherche la bonne page. Il écrit : 22 mars 1937 : 8. Il tire une barre et additionne 8 au chiffre précédent. Puis il note : 1454, dans une troisième colonne. « Rien ne vaut une comptabilité bien à jour », dit-il à voix basse. Il écarquille les yeux et va se regarder dans la glace. On ne parle pas tout seul, à moins que d'être fou. Cependant, Larousse dit des choses très fortes sur les résultats néfastes du plaisir solitaire. Ils appellent ça le plaisir. Salaud de Larousse. »
Roger Nimier, Les épées.
18:29 Publié dans Cartouches, Détente | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : roger nimier, antoine blondin, frédéric dard, jean yanne, michel audiard
Commentaires
«Dis-donc mon Poulot ! T'aurais dû y apporter des nénuphars à la Marie, ça y aurait rappelé des souvenirs !!...»
Voilà un film qui gagne à être connu !!!
Des dialogues et des acteurs ENORMES !!!
Écrit par : Lemmy TheObi | 14/09/2012
Que veux-tu, il fut un temps où les écrivains s'appelaient Dard, Nimier ou Blondin... les dialoguistes Audiard et les comiques Jean Yanne ou Raymond Devos ( pas cité dans la note du dessus celui-ci, mais c'est en préparation ! )...
Et puis le temps a passé...
Et comme - maintenant - nous ne sommes plus entourés que de Beigbeder, Marc Levy, Gad Elmaleh, Elie Semoun, Mathieu Kassovitz et autres horreurs du même genre...
Et ben y'a pas... j'ai comme des grands coups de nostalgie galopante !
J'suis bon pour Gouyette !?! ( Héhé! )...
Écrit par : Kurgan | 18/09/2012
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