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16/10/2014

L’Ukraine telle que nous la connaissons...

Le Saker :

« L’Ukraine telle que nous la connaissons est partie pour toujours »

 

Octobre 16th, 2014 | by Mickael - Fondateur de News360x

http://news360x.fr/saker-lukraine-telle-connaissons-partie-toujours/

 

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Le Saker est un ex-analyste militaire, né en Europe dans une famille de réfugiés russes. Il vit maintenant en Floride, où il tient le blog « The Vineyard of The Saker » (« le Vignoble du Saker ») et où il intervient comme contributeur régulier du site « Russia Insider ». La communauté internationale des blogs Saker comprend, outre le blog Saker original, des membres français, allemand, russe, océanien et serbe, et elle inclura bientôt un nouveau membre latino-américain.

Traduction : Glokayeh pour le Vineyardsaker version française.

 

 

Mike Whitney : Les États-Unis sont-ils responsables des troubles en Ukraine ?

Le Saker : Oui, absolument, il n’y a aucun doute à ce sujet. Même s’il est vrai que les Ukrainiens étaient mécontents du régime corrompu d’Ianoukovitch, le coup d’État lui-même a très certainement été orchestré par la CIA. L’UE y a également participé, en particulier l’Allemagne, mais ils ont été loin d’y jouer un rôle aussi important que les États-Unis. L’enregistrement du coup de téléphone de Victoria Nuland (la sous-secrétaire d’État étatsunienne) a montré qui tirait vraiment les ficelles en coulisse.

 

Mike Whitney : Quel rôle a joué l’administration Obama dans la décision de Kiev de lancer une guerre contre son propre peuple dans l’est de l’Ukraine ?

Le Saker : Un rôle central. Vous devez comprendre qu’il n’y a pas de pouvoir « ukrainien » à Kiev. Porochenko est à 100% contrôlé par les USA, comme le sont les gens autour de lui. Le chef de la fameuse police secrète ukrainienne (le SBU), Valentin Nalivaichenko, est un agent connu de la CIA. Il est également vrai que les États-Unis font référence à Porochenko en l’appelant « notre homme en Ukraine ». Toutes ses soi-disant « décisions » sont en réalité prises par des représentants des États-Unis à Kiev. Et en ce qui concerne le discours de Porochenko au Congrès, il y a de cela quelques semaines, il avait manifestement été écrit par un Américain.

 

Mike Whitney : Les séparatistes dans l’est ont remporté un joli succès en repoussant l’armée ukrainienne et leurs homologues néonazis des services de sécurité. Quel rôle exact la Russie a-t-elle joué en aidant les milices de Novorossia ?

Le Saker : Le rôle de la Russie était critique. S’il est vrai que les troupes russes n’ont pas été déployées à travers la frontière, Moscou a cependant permis aux bénévoles et aux armes de circuler. Cette aide n’a pas été fournie directement ni par le FSB (Service fédéral de sécurité de Russie) ni par l’armée, mais elle est venue de divers groupes privés. De toute évidence, le Kremlin a le pouvoir de tirer quelqu’un d’affaire quand il choisit de le faire. Dans un cas précis, il semble qu’il y ait eu un soutien d’artillerie direct depuis l’autre côté de la frontière russe (dans ce que l’on a appelé le « chaudron sud »), mais la plupart du temps, l’aide est restée cachée. Outre l’aide secrète, la Russie a également fourni des renseignements, ainsi qu’un soutien logistique et politique pour les Novorossiens. Sans le soutien de la Russie, jamais les Novorossiens n’auraient été en mesure de renverser la tendance dans cette guerre.

 

Mike Whitney : Poutine a-t-il envoyé des troupes russes en Crimée, et a-t-il illégalement fait main basse sur la région ou s’agit-il d’une fiction qui a été propagée dans les médias occidentaux ?

Le Saker : Il s’agit en fait d’une question de technique. Oui, Poutine a envoyé des troupes russes en Crimée, mais non, elles n’ont jamais dépassé les limites autorisées par les accords actuels entre la Russie et l’Ukraine. Rappelez-vous que la flotte de la mer Noire était déjà basée à Sébastopol, et qu’il y avait par conséquent nombre de troupes disponibles sur place. De surcroit, il y avait un groupe important de bénévoles locaux, qui ont effectué des opérations essentielles. Certains de ces bénévoles se sont montrés si convaincants qu’ils ont été confondus avec des forces spéciales russes. Mais, oui, au moment critique, Poutine a envoyé des forces spéciales supplémentaires en Crimée.

L’opération était-elle légale ? Eh bien, techniquement, il n’a pas violé les dispositions du traité en termes de nombre d’hommes, mais a-t-il ce faisant commis une violation de la souveraineté de l’Ukraine ? La raison pour laquelle Moscou a fait cela, c’est qu’il y avait des preuves solides que Kiev avait l’intention d’agir contre la Crimée (en impliquant éventuellement les Tatars de Turquie et de Crimée). Si Poutine n’avait pas pris l’initiative, le bain de sang en Crimée aurait pu être pire que ce qu’a connu la Novorossia. Il est vrai aussi qu’au moment où Poutine a pris la décision de protéger la Crimée, le président démocratiquement élu (Ianoukovitch) avait déjà été démis de ses fonctions, ce qui créait un vide juridique à Kiev. La question est donc : Poutine devait-il absolument respecter les lois d’un pays qui était passé aux mains d’une bande de voyous armés, ou devait-il au contraire essayer de maintenir la paix en faisant ce qu’il a fait ?

Ce que Poutine a choisi de faire, c’était de permettre à la population de la Crimée de décider de son propre avenir en votant librement dans un référendum. Oui, la propagande anglo-sioniste dit qu’ils ont été contraints de « voter avec un fusil dans le dos », mais c’est un non-sens. Personne ne conteste le fait que l’écrasante majorité des Criméens (95%) ont voulu quitter l’Ukraine et rejoindre la Russie. Les « hommes armés, bien polis et vêtus de vert » n’ont fait que rendre possible pour ces gens d’exercer leur droit à l’autodétermination, quelque chose que la junte de Kiev n’aurait jamais permis.

 

Mike Whitney : Quelle influence exerce Obama sur la prise de décision du président ukrainien Petro Porochenko ? Est-ce Washington qui en réalité mène le jeu ?

Le Saker : Oui, tout à fait. Obama donne les ordres et Porochenko obéit.

Comme ils le font partout, les États-Unis se servent des oligarques locaux pour coloniser un pays. Prenez, par exemple, la Russie entre 1991 et 1999 : elle était dirigée par des oligarques dissimulés derrière une figure de proue en état d’ivresse quasi-permanent (Boris Eltsine). Tout le monde savait que la Russie était devenue une colonie américaine, et que les États-Unis pouvaient faire ce qu’ils voulaient. C’est la même chose aujourd’hui.

Ianoukovitch n’était pas plus pro-russe que n’importe quel autre président ukrainien. Il n’est qu’un oligarque qui a été remplacé par un autre oligarque, Porochenko. Ce dernier est un homme très intelligent, qui sait que sa survie dépend de son obéissance complète à l’Oncle Sam.

Je ne serais pas étonné de voir les États-Unis lâcher Porochenko et installer quelqu’un d’autre à sa place si cela concorde avec leurs objectifs (surtout si le secteur droit prend le pouvoir à Kiev). Pour l’instant, Porochenko est l’homme de Washington, mais cela pourrait changer en un clin d’œil.

 

Mike Whitney : A quel point l’administration Obama se trouve-t-elle proche de la réalisation de son objectif consistant à établir des bases de l’OTAN (et, peut-être, des sites de missiles) en Ukraine ? Quel danger cela pose-t-il pour Moscou ?

Le Saker : Le seul endroit où des bases de l’OTAN auraient vraiment un sens, c’est en Crimée, et cette option n’est plus envisageable. Mais la question est plus importante qu’on pourrait le penser. Je veux dire que si les États-Unis continuent à poursuivre cette politique de provocation avec l’établissement de bases de l’OTAN sur la frontière russe, la Russie se retirera du traité FNI (le traité sur les forces nucléaires de portée intermédiaire) et déploiera des versions avancées du SS-20 (missile balistique nucléaire soviétique) à proximité de l’Europe. La question ici, c’est que l’ingérence américaine pourrait conduire à une confrontation entre des adversaires dotés de l’arme nucléaire.

 

Mike Whitney : La Commission européenne a créé un certain nombre d’obstacles afin d’empêcher la Russie de construire le gazoduc South Stream qui lui permettrait de diversifier les itinéraires d’exportation de gaz naturel vers l’Europe centrale et méridionale. Les observateurs ont dit que l’administration Obama est derrière ce mouvement, et que de puissants géants de l’énergie aux États-Unis veulent bloquer ou contrôler les flux énergétiques de la Russie vers l’Europe. Est-ce là le contexte plus large des problèmes auxquels nous assistons en Ukraine, ou en d’autres termes, sommes-nous vraiment en train d’assister au spectacle d’une guerre de l’énergie en train de se dérouler sous nos yeux en temps réel ?

Le Saker : Cela est une partie importante de l’équation, mais ce n’est pas le point central. Le point central est la croyance erronée (mise en avant par Zbigniew Brzezinski) que sans l’Ukraine, la Russie ne peut pas être une superpuissance, et cette autre conviction erronée (mise en avant par Hillary Clinton) que Poutine voudrait recréer l’Union soviétique. Pour les anglo-sionistes, l’Ukraine est un jeu à somme nulle [1] dans lequel les États-Unis doivent soit contrôler l’Ukraine soit la détruire, mais en tout cas ne pas permettre à la Russie de l’avoir. Le problème avec cette théorie, c’est que la Russie ne veut pas vraiment de l’Ukraine ni n’en a vraiment besoin. Ce que veut la Russie, c’est un partenaire stable, fiable et neutre avec lequel elle puisse faire des affaires. Même maintenant, alors que les Novorossiens revendiquent une pleine indépendance, la Russie poursuit un plan complètement différent. Moscou veut une Ukraine unitaire dans laquelle chaque région aurait de facto son autonomie, mais continuerait à faire partie du même État.

Les éminences grises de l’Ouest sont tellement obsédées par le contrôle de l’Ukraine, elles en deviennent à ce point maniaques, qu’elles sont incapables d’imaginer que la Russie ne veuille pas la même chose. Mais la Russie ne veut pas de l’Ukraine. Elle n’a pas besoin d’un État démoli, dysfonctionnel, en faillite et traînant avec lui d’énormes problèmes sociaux, dont la reconstruction nécessitera des milliards et des milliards de dollars.

Bien sûr, il y a des liens culturels, historiques, religieux et même familiaux entre la Russie et l’Ukraine, mais cela ne signifie pas que les Russes veuillent diriger l’endroit. La Russie a déjà obtenu ce qu’elle voulait : la Crimée. Pour le reste, l’attitude de Moscou est : « Tu l’as cassé, c’est à toi ».

 

Mike Whitney : Quelle sera la fin de partie, dans ce cas ? Porochenko va-t-il réussir à maintenir l’intégrité de l’Ukraine et à isoler davantage la Russie de l’Europe, ou l’Ukraine va-t-elle éclater en suivant ses lignes de faille politiques ? Ou bien y a-t-il un autre scénario plus probable à vos yeux ?

Le Saker : La Crimée est partie pour toujours. Il en va de même de la Novorossia. Mais dans le cas de cette dernière, il pourrait y avoir une phase de transition dans laquelle Kiev conserverait un certain degré de souveraineté sur certains territoires de l’est.

À court terme, nous pourrions assister à une aggravation des combats, mais en fin de compte, il y aura un accord par lequel la Novorossia se verra conférer quelque chose qui ressemblera à l’indépendance. Une chose est certaine, c’est qu’avant d’arriver à un accord sur un statut final, deux questions devront être réglées :

Il devra y avoir un changement de régime à Kiev, suivi d’une dénazification.

Ni la Russie ni la Novorossia ne seront jamais en sécurité tant que les nazis seront au pouvoir à Kiev. Cela signifie qu’il faudra enlever ces monstres nationalistes russophobes avant que les questions relatives au statut final puissent être résolues. Les Russes et les Novorossiens sont un peu divisés sur cette question. Alors que les Novorossiens veulent leur indépendance et se contentent de dire « Au diable les nazis de Kiev ! », le Kremlin, lui, veut un changement de régime et regarde cela comme quelque chose d’essentiel pour sa sécurité nationale. Nous allons devoir attendre et voir comment les choses se jouent dans l’avenir.

Il sera nécessaire de tenir une conférence des bailleurs de fonds.

L’Ukraine est fondamentalement morte, il n’en reste que des décombres. Il faudra des années pour reconstruire, et de gigantesques sommes d’argent. Les États-Unis, l’UE et la Russie devront tous contribuer. Si les anglo-sionistes persistent dans leur position maximaliste et continuent de soutenir la junte nazie de Kiev, les Russes ne paieront pas un seul kopeck. L’aide de la Russie ira exclusivement à la Novorossia.

Tôt ou tard, les États-Unis et l’UE se rendront compte qu’ils ont besoin de l’aide de la Russie. Et quand ils le comprendront enfin, ils travailleront ensemble pour parvenir à un accord politique global. À l’heure actuelle, ils se soucient davantage de punir Poutine (par des sanctions économiques et par l’isolement politique) afin de prouver que personne ne peut défier l’Empire. Néanmoins, ce genre de comportement d’intimidation ne changera pas la réalité sur le terrain. L’Occident a besoin de la coopération de la Russie, mais la Russie ne coopérera pas sans condition. Les États-Unis devront remplir certaines conditions avant que Moscou accepte un accord.

 

L’Ukraine : « Partie pour toujours »

Bien qu’il soit trop tôt pour le dire, je pense que l’Ukraine telle que nous la connaissons est partie pour toujours. La Crimée restera une partie de la Russie, tandis que la Novorossia deviendra indépendante et in fine se retrouvera probablement dans une sorte de statut d’association avec la Russie. Pour ce qui est du reste de l’Ukraine, il y aura forcément une confrontation entre les différents oligarques et les nazis, après quoi ceux qui sauront se montrer pragmatiques apparaîtront pour ouvrir la voie à un règlement. Finalement, il y aura une sorte d’arrangement dont sortira un nouvel État, mais je ne puis imaginer combien de temps il faudra pour que cela se produise.

Si vous souhaitez une analyse plus systématique des points évoqués ci-dessus, s’il vous plaît reportez-vous à mon analyse La réponse russe à une double déclaration de guerre, publiée en français le 9 octobre dernier.

 

http://news360x.fr/saker-lukraine-telle-connaissons-partie-toujours/

 

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Note de traduction :

[1] Un jeu à somme nulle est un jeu où la somme des gains de tous les joueurs est égale à 0. Cela signifie donc que le gain de l’un constitue obligatoirement une perte pour l’autre. L’expression désigne un jeu strictement compétitif, comme il en va des jeux à deux joueurs dans lesquels l’intérêt de l’un des deux joueurs est strictement opposé à l’intérêt de l’autre joueur. En d’autres termes, c’est un jeu qui se termine nécessairement avec un perdant et un gagnant.

 

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03/05/2014

Ukraine / Des vérités qui peuvent déranger...

LE POINT SUR L’UKRAINE

Des vérités qui peuvent déranger

Cet article vient en prolongement du dossier « Pourquoi l’Eurasie » du n° 59 de Terre et Peuple Magazine, en raison de l’évolution de l’actualité de ce pays. On s’y référera pour connaître tous les tenants et les aboutissants de la crise ukrainienne. En bref, l’Ukraine constitue un enjeu géopolitique primordial dans la guerre politico-économique sans merci que livre l’Occident américanisé et mondialisé à la Russie identitaire de Poutine. On connaît bien les preuves de ce containment : adhésion des pays d’Europe de l’Est à l’OTAN, installation d’un bouclier antimissile aux portes de la Russie (Pologne, Roumanie, Turquie), soutien aux révolutions de couleur de toutes sortes (Serbie, Ukraine, Géorgie…) destinées à affaiblir la Russie dans son environnement direct.

Mais les Occidentaux sont allés trop loin et ont offert à Poutine l’occasion de laver l’humiliation vécue avec le bombardement des villes serbes et l’expulsion des Serbes du Kosovo en 1999. Poutine est un grand joueur d’échecs et un champion de judo, la première qualité lui donne l’avantage d’agir avec deux coups d’avance, la seconde lui permet d’esquiver les coups et d’utiliser la force de l’adversaire pour la retourner contre lui. La fessée infligée, en 2008, à la petite Géorgie trop amoureuse de l’oncle Sam, qui a permis de russifier les deux provinces séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, aurait dû servir de leçon aux Occidentaux. Que nenni ! Ils ont cru pouvoir arracher l’Ukraine à l’influence du Kremlin.

La première tentative de 2004, dite « révolution orange » permet de mettre au pouvoir des pantins pro-occidentaux, Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko. L’incurie et la corruption de leur gouvernement poussent le premier à l’exil et la seconde à la prison. En 2009, par effet de balancier, le prorusse Viktor Ianoukovitch (tout aussi corrompu) revient au pouvoir à l’issue d’élections irréprochables.

Le 21 novembre 2013, Ianoukovitch refuse de signer l’accord d’association avec l’Union européenne. En fait, il n’a pas le choix : cet accord impose à l’Ukraine de pousser progressivement les forces russes hors de Crimée (où, évidemment, l’OTAN ne tarderait pas à s’installer). Dès le lendemain, comme par hasard, la place Maïdan est occupée par des manifestants pro-occidentaux, très bien encadrés. Car, il est vrai que, depuis vingt ans, nombre d’ONG américaines sont à la manœuvre. C’est Victoria Nuland, l’envoyée spéciale judéo-américaine elle-même, qui a déclaré que les Etats-Unis avaient investi plus de 5 milliards de $ dans la révolution ukrainienne et qu’il était temps d’en retirer les fruits (propos auquel elle ajouta la délicieuse phrase : « I fuck European Union » !).

Le 21 février, Ianoukovitch signe un accord avec trois plénipotentiaires de l’Union européenne, le Polonais Sikorski, l’Allemand Steinmeier et le Français Fabius. Cet accord, destiné à ramener la paix civile, met en péril le plan judéo-américain qui exige l’éviction de Ianoukovitch et son remplacement par un gouvernement fantoche. Le lendemain, la place Maïdan s’enflamme, les bâtiments officiels sont attaqués et Ianoukovitch s’enfuit. Des observateurs neutres (il ne s’agit pas des médias français…) remarquent des tireurs sur les toits qui visent systématiquement les policiers ; certaines sources dénoncent la présence d’anciens agents du Mossad pour encadrer les émeutiers (une vieille tradition israélo-étatsunienne). Les forces de l’ordre paient un prix élevé : 17 morts et près de 500 blessés. Mais la démocratie et la liberté sont passées (sic). Tous les pays de l’UE, y compris ceux qui ont signé l’accord de la veille, s’empressent de reconnaître le gouvernement provisoire, au mépris des lois internationales, car il ne s’est agi que d’un coup d’Etat qui a chassé illégalement un président légitimement élu. Qu’à cela ne tienne !

Mais le scénario occidental, si huilé est-il, n’a pas envisagé l’inenvisageable. Comme le renard de la fable « Le corbeau et le renard », Poutine annexe, sans coup férir, la Crimée, acte irréversible s’il en est. Cela lui permet de ramener à la mère-patrie la population russe de la presqu’île, mais surtout de sécuriser la base de Sébastopol et ses annexes. L’ours russe reprend donc le contrôle de la mer Noire et s’ouvre en grand la porte vers la Méditerranée (et la base syrienne de Tartous).

Pour les Ukrainiens, le bonheur promis par l’Union européenne n’est pas pour demain. Comme prévu, Gazprom augmente le prix du gaz russe de plus d’un tiers. Mais les « amis » du peuple ukrainien ne se montrent guère plus généreux : le FMI impose à l’Ukraine un régime drastique avant de verser le premier dollar. Les Ukrainiens auraient dû écouter les Grecs, les Chypriotes et les Espagnols avant de se jeter dans les bras de l’UE. L’avenir de l’Ukraine est d’être un pont entre l’Europe et la Russie, pas d’être la dernière roue de la charrette bruxelloise ou un porte-avions américain au cœur de l’Eurasie.

Voici pour l’état des lieux, en évolution permanente. Mais il faut aussi s’attarder sur quelques zones d’ombre. Les nationalistes ukrainiens sont-ils sincères et manipulés, ou bien sont-ils complices des menées occidentales ? Certains d’entre nous sont fascinés par les mouvements Svoboda ou Praviy Sektor. Les voici déchirés entre leur poutinophilie et une certaine nostalgie. Je vais donc leur permettre de régler ce dilemme. Il ne suffit pas de se promener avec des tatouages et des colifichets pour avoir une conscience politique. La question est plutôt : « dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es ».

Le 7 février, soit deux semaines avant le coup d’Etat, Oleh Tyahnibok, leader de Svoboda, parade aux côtés de Victoria Nuland, d’Arseni Iatseniouk, son poulain (futur Premier ministre du gouvernement provisoire) et accessoirement membre de la Trilatérale, et enfin de Viktor Klitschko, le boxeur président du parti UDAR, qui est soutenu par l’International Republican Institute et le National Democratic Institute, tous deux bien connus pour être des courroies de transmission du Département d’Etat américain. On ajoutera que les trois interlocuteurs de Tyahnibok sont juifs, ce qui explique sans doute le soutien indéfectible que leur prodiguent nos produits maison, Fabius et Lévy. De quoi faire se retourner dans sa tombe Stefan Bandera, fondateur de Svoboda, qui ne passait pas pour être philosémite.

Ce n’est pas la première fois que des mouvements qualifiés de populistes, et même de fascistes et de néonazis, se commettent avec les sionistes. Je rappellerai l’étrange voyage en Israël, en 2011, de 35 leaders européens des dits partis : Geert Wilders pour le PW hollandais, Filip Dewinter pour le Vlaams Belang flamand ou Heinz Christian Strache pour le FPÖ autrichien, parmi d’autres (Suédois, Allemands…). J’y ajouterai le pèlerinage de Louis Aliot, vice-président du FN, à Yad Vashem, la même année.

Quant à Praviy Sektor, son cas est encore plus intéressant. Né « spontanément » à l’automne 2013 de l’union de quelques groupuscules qui jugeaient Svoboda trop mou, il est subventionné par la diaspora ukrainienne des Etats-Unis (sic). Bizarrement, en mars 2014, Praviy Sektor fonde une nouvelle structure, Russian Legion, formée de Russes et destinée à lutter contre Poutine, y compris par des actes terroristes en Russie, notamment la destruction de pipelines. Pire encore, Dmitry Yarosh, le chef de Praviy Sektor, a fait alliance avec l’islamiste tchétchène Dokou Oumarov dans le but de « créer un front antirusse de l’Ukraine au Caucase ». Pour finir, j’ajouterai que Yarosh et des leaders du mouvement ont été reçus par l’ambassadeur d’Israël à Kiev, Reuven Din El, et se sont engagés à « lutter contre le racisme et l’antisémitisme ». Ce qui fait tache pour de soi-disant néonazis !

Quant à nous, notre positionnement est clair : les amis de nos ennemis (et les ennemis de nos amis) ne sont pas nos amis. Entre l’Occident (Etats-Unis, UE, Israël et quelques autres) qui veut imposer aux peuples une société mondialisée, déculturée et métissée, et un Poutine qui prône une révolution conservatrice et défend l’identité européenne et blanche, en rejetant l’immigration allogène et en réduisant l’islam conquérant, notre choix est fait.

Il y a vingt ans, j’avais tenté de convaincre mes amis croates et serbes de ne pas se tromper d’ennemis, à savoir les Bosniaques musulmans soutenus par « l’Occident ». Cela n’empêcha pas les néo-oustachis et les néo-tchetniks, les uns partisans de la Grande Croatie et les autres de la Grande Serbie, de s’entre-tuer au nom de toutes les haines accumulées. Il n’y eut que des vaincus : les Croates ne purent annexer la province d’Herceg Bosna et furent contraints de cohabiter avec les musulmans (qu’ils haïssent), et les Serbes durent abandonner la Krajina et la Slavonie, avant de perdre le Kosovo. Que ceci serve de leçon à tous les nationalistes dont le regard se limite aux rancœurs du passé, particulièrement à l’est de l’Europe !

Il serait ainsi dommage que les nationalistes ukrainiens soient aveuglés par leur russophobie, même si celle-ci est justifiée par le traitement infâme que leur ont infligé les Soviétiques pendant plus de 70 ans. Car l’Ukraine a le malheur de se situer au mauvais endroit tout en étant le « grenier à blé » de l’Europe de l’Est et un réservoir énorme de ressources naturelles. L’Ukraine a tout pour attiser les convoitises. Mais elle est aussi extrêmement fragile, car fracturée entre deux peuples inassimilables : l’Ouest catholique, dont l’histoire et la culture regardent vers la Pologne, la Lituanie et l’Autriche, et l’Est orthodoxe, qui n’a d’yeux que pour Moscou. Ce qui est donc en jeu, c’est un risque immense de guerre civile. Et pire encore. Qu’on se souvienne de ces mots de Jacques Benoist-Méchin, dans L’Ukraine, fantôme de l’Europe : « Et dans ce décor d’enfer, qui défie toute description, cinq armées différentes, venues de tous les coins de l’horizon, vont passer et repasser « comme une râpe » sur le corps sanglant de l’Ukraine : armée polonaise de Pilsudski, armée ukrainienne de Petlioura, armée blanche de Denikine et de Wrangel, armée noire des paysans anarchistes de Makhno, et enfin armées rouges de Staline et de Budienny ».

L’Histoire n’est qu’un éternel recommencement.

AC

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Article paru sur le site Terre & Peuple

http://www.terreetpeuple.com/

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Pire encore, Dmitry Yarosh, le chef de Praviy Sektor, a fait alliance avec l’islamiste tchétchène Dokou Oumarov dans le but de « créer un front antirusse de l’Ukraine au Caucase »...

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Dokou Oumarov